Voyou[FRA]

  • Musique

Interview

Le 26.01.2018 par Aphélandra Siassia

Ne vous y trompez pas. Thibaud n’a rien d’un Voyou même s’il nous ruse avec ce nom de scène à nous faire pâlir. Habitué des formations musicales comme Elephanz ou Rhum For Pauline, le jeune nantais livre dans ce premier projet solo, une pop intimiste, rafraîchissante et pleine de malice à l’image de son morceau « Seul sur ton tandem ».


Un musicien averti

Une route prise en solitaire donc, mais une musique habitée par une myriade de références musicales glanées au fil des années par ce « consommateur boulimique de sons ». Cette appétence, on la remarque dans la maitrise de ce bel artiste, jongleur de mots et d’images. À l’occasion de la sortie de son dernier EP « On s’emmène avec toi », Voyou s’est prêté au jeu des questions-réponses pour Tafmag, une bonne façon de décortiquer l’univers de ce musicien prodige.

Qui se cache derrière ce curieux adjectif ? Pourquoi Voyou ?

Disons que j’aimais bien le mot. Je trouvais qu’il dégageait quelque chose de coquin et en même temps de pas péjoratif. J’ai toujours entendu ce terme pour qualifier des gens qui faisaient des bêtises mais c’est toujours avec beaucoup de tendresse.

Du coup, il n’y aucune référence à l’album de Michel Berger?

Non, mais je pense qu’un jour j’appellerai un album « Berger ». Sur une pochette, il y a vraiment écrit « Berger », puis « Voyou ». Il n’y a plus qu’à inverser et mettre ma photo avec la même casquette. (rires)

Pourrais-tu décrire ton univers musical en quelques mots ?

Je dirais que c’est de la chanson pop électronique avec 0 cynisme et beaucoup de tendresse. C’est une musique assez douce et en même temps qui porte pas mal.

 

Tu as fait partie de plusieurs formations musicales dont Elephanz. Peux-tu revenir sur ces expériences ?

J’ai commencé très jeune avec un premier groupe au collège et à la sortie du lycée, j’ai joué dans Rhum For Pauline. On a intégré le label Futur et on a rencontré les mecs de Minitel Rose. Plus tard, Raphaël , nous a fait joué sur son projet PegaseC’était une vraie famille de musiciens et puis du coup avec Rhum For Pauline j’ai rencontré Elephanz. Le groupe était à la recherche d’un bassiste et ils ont fini par me proposer de jouer. J’ai donc eu du jour au lendemain plusieurs groupes alors que j’étais en galère. Ce fût de belles rencontres qui m’ont formé au métier.

 

Tu as toujours voulu faire de la musique ?

J’avais dit à mes parents qu’après le bac je me lancerai et j’ai commencé à bidouiller des trucs dans mon coin. Rhum For Pauline c’était la potentiel promesse de devenir professionnel et  Elephanz m’a encore plus mis le pied dedans. J’ai pris conscience que c’était possible.

As-tu l’impression que les musiciens se heurtent encore aujourd’hui à plusieurs freins ?

Ça dépend des villes dans lesquelles on évolue et des rencontres que l’on y fait. Si je n’avais pas rencontré les Rhum For Pauline je n’aurais ni rencontré Elephanz ni les Pegase. Je suis hyper content de mon parcours et je le dois aux rencontres hasardeuses.

Nantes est une ville très dynamique culturellement. T’es-tu imprégné de cette effervescence ?

Oui, j’ai vraiment eu l’impression de suivre les scènes musicales et artistiques nantaises dans les bars dès que j’ai commencé à les fréquenter avec mes amis. Il y avait toutes ces personnes plus âgées. On fantasmait en écoutant leurs histoires. Et puis petit à petit, ils sont devenus nos amis. Il y a pas mal d’accompagnements de la ville aussi. Depuis 25 ans, tout va dans le sens de la culture. C’est comme ça qu’un projet comme Royal de Luxe a pu voir le jour. Il y a beaucoup d’écoles aussi, d’institutions qui se créent comme Trempolino qui aide les jeunes musiciens dans leur carrière.

Revenons maintenant sur ton projet, pourquoi avoir décidé de voguer en solo ?

J’avais besoin de liberté. J’ai passé beaucoup de temps en groupes et je me suis éclaté. Mais il faut gérer les égos et les goûts de chacun. Ça peut prendre du temps. Ça m’a épuisé moralement et physiquement. J’ai eu envie d’être tout seul au moins dans un premier temps, de commencer simplement et de rester dans quelque chose d’assez récréatif. J’ai vu un documentaire sur Fishbach où elle disait :  « Quand tu es seul, tu vas plus vite mais quand tu es en groupe tu vas beaucoup plus loin ». Ça m’a fait réfléchir car oui tu vas très vite quand tu es tout seul mais il y a toujours un moment où tu doutes. Pourtant tous les mecs avec qui j’ai bossé comme les Rhum For Pauline, ont eu besoin à un moment de faire de la musique seul.

 

Y a-t il eu un élément perturbateur, une rencontre qui t’a fait prendre conscience que tu voulais devenir Voyou ?

À un moment je me suis dit qu’il fallait que je le fasse. Ça faisait vraiment longtemps que je composais sur mon ordi. Mais le vrai déclic ça a été Romain, le chanteur de Rhum For Pauline quand il a lancé son projet solo, LenParrot. Je me suis rendu compte que c’était possible de réaliser des choses en dehors du troupeau que l’on était.

 

Comment s’est construit ce projet ?

J’ai mis du temps à savoir ce que je voulais faire. « Les Soirées », c’est le premier morceau que j’ai sorti et je me suis dit « là, il y a une esthétique particulière, c’est le bon point de départ pour en adopter d’autre ». C’était important d’avoir un morceau totem. De là, j’ai récupéré des petites choses que j’avais déjà réalisées. Entre temps, je suis allé trois mois au Canada pour m’éloigner de la meute nantaise et composer.

 

On voit apparaître une « nouvelle vague » d’artistes francophones qui se réapproprient le français. C’était important pour toi de composer dans ta langue ?

La question ne s’est même pas posée. Tous les groupes que j’ai eu étaient en anglais sauf mon tout premier où je chantais. Je ne pourrais pas m’exprimer dans une langue qui n’est pas la mienne. J’ai envie de maitriser à 100 % et me concentrer sur l’interprétation. Le français est une belle langue pour raconter les histoires. Elle peut être très impactante et très directe.

On voit un renversement de la tendance maintenant et des artistes venant d’horizons distincts s’exprimer en français. C’est ça qui est intéressant. Plein de styles se réapproprient la langue. Ça vient peut-être du rap. Peu d’artistes rappent en anglais en France et c’est un style qui prend une place très importante. Être moderne aujourd’hui ce n’est plus chanter comme les anglais, c’est chanter comme les rappeurs. C’est un défi pour le monde de la pop qui est un peu à la masse (rires). Ce style était en train de mourir car personne n’essayait d’innover. Il y a un nouveau regain depuis peu avec tous ces groupes qui chantent en français et qui apportent de la modernité.

C’est marrant d’associer la langue française à la modernité, il y a quelques années c’était presque antithétique.

J’étais en plein dedans avec Elephanz. On était dans une période où si tu faisais de la variété tu faisais un truc à la papa. Il a fallu qu’il y ait des formations comme La Femme, qui a rendu possible un peu plus tard l’émergence de chanteuses comme Juliette Armanet. Petit à petit un déplacement s’est fait avec des groupes comme Bagarre aussi. On a arrêté de regarder seulement le style pour se concentrer aussi sur les textes.

 

 D’autres artistes de cette « nouvelle vague » t’inspirent ?

Oui évidement, il y a les artistes de mon Label comme Fishbach, Bagarre et Grand Blanc. Quand « Musique de club » de Bagarre ou l’album de Grand Blanc sont sortis, ça m’a fait quelque chose. J’ai constaté qu’on pouvait aller dans cette direction. Moodoïd aussi. Il y a aussi un groupe comme Saint DX qui vient de sortir chez Cracki Records qui mêle un peu le français et l’anglais. Des projets comme Jacques  ou Pépite m’ont bien plu aussi.

Et plus largement, qu’est-ce qui t’a influencé ?

J’ai consommé de la musique de manière boulimique, des choses venant de plein d’horizons. Beaucoup de musiques africaines et sud-américainess. J’ai eu aussi une grosse période soul pour contrebalancer, mais aussi psychée, puis rap en passant par garage et rock indé. À la base, j’ai baigné dans un univers très classique et jazz.

Venons-en à tes futurs projets.

Il y a le clip qui arrive [il est sorti juste après l’interview, ndlr]. J’ai fait appel à un ami qui s’appelle Vincent Castant et qui a une web-série qui s’appelle « Ouai j’vois ouai », c’est un mec hyper actif. Il m’a fait un clip qui fout vraiment la banane. Il m’a étonné et a totalement saisi ce que je voulais.

 

Photographies © Pierre Emmanuel Testard

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